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Moi, King Kong, cheval de course sauvé de l’abattoir

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Si je devais vous raconter mon histoire, voici ce que cela donnerait. 

Je m’appelle King Kong, officiellement King Kong des Prés, mais il y a bien longtemps que j’ai abandonné cette particule ridicule qui faisait de moi un cheval de race. Je suis né en mai 1998, tardivement, car mes autres amis de l’époque étaient arrivés au monde quelques mois avant. Au bout de 6 mois, comme le veut cette tradition barbare, on m’a sevré de ma maman que je n’ai plus jamais revue. 

À partir de là, on peut dire que les ennuis ont démarré. On a commencé par me coller un licol, tout le temps il fallait que je donne les pieds, que j’accepte qu’on me brosse, qu’on m’attache alors que moi je voulais juste aller jouer avec mes copains. À partir d’un an, ils ont commencé à me faire avaler ce mors, cet immonde bout de ferraille qui a le gout du métal, mais aussi du sang d’autres amis à moi. Il fallait parfois que je le garde des heures pour « m’habituer » comme ils disent, allez manger avec ça … Après on m’a collé un gugusse derrière moi avec de longues rênes, et attention fallait que j’avance sinon, hop coup de fouet ! Avant mes 2 ans, on m’a transféré loin de chez moi, et dans la foulée on m’avait attaché une remorque aux fesses et il fallait que je coure, vite, toujours plus vite et de façon bien précise, au trot !! Si je voulais piquer un sprint au galop, gare aux coups de fouet. Et malheureusement le fouet ne fut pas la seule réprimande. Un jour, j’avoue je n’avais pas envie de « bosser », un des gars m’a tabassé à coup de bâton, ça m’a valu 2 dents pétées. C’est peut-être à partir de ce moment qu’ils ont compris que je ne serai jamais un de leurs cracks. Mais ce sont mes « chronos » qui ont scellé mon destin. Pas assez rapide. 

Et du coup un jour, retour dans ma campagne. Dans ma tête je me suis dit, « ça y est c’est enfin les vacances » ! Ce qui était cool, c’est qu’on m’avait remis avec mon demi-frère. 

Au début une dame venait nous nourrir, puis avec le temps, on ne l’a plus trop vue. Avec le temps, on a bien perdu, un peu trop (si vous voulez je vous ressortirai une photo) et quelques mois après on n’était pas très beau à voir. 

Et un jour un gamin est venu dans notre champ, il avait l’air tout chétif, un peu comme nous et il est venu taper la causette. Honnêtement je n’ai pas tout compris, mais il m’a expliqué qu’il était stagiaire, pour apprendre comment s’occuper des chevaux comme nous. J’avais eu envie de lui dire, « s’il te plait, ne me refait pas ce qu’on m’a déjà fait », je ne parle pas mais bizarrement je crois qu’il a compris, car il est revenu de nombreuses fois, sans mors ou instruments de torture. Il nous amenait à manger, nous faisait des câlins. Pour la première fois, je me suis dit que certains humains pouvaient être gentils. Bon j’avoue quand il s’est pointé avec un camion pour nous charger et nous ramener sur l’élevage, j’ai bien senti qu’il allait nous demander de faire des trucs, on avait peur. J’étais encore plus déçu quand il m’a collé un mors et une selle pour me grimper sur le dos, personne n’était jamais monté sur moi … ce fut désagréable mais je l’ai fait pour lui faire plaisir. Ce que je ne savais pas c’est qu’il voulait m’acheter … comme si j’étais un objet … pff ces humains. 

Mais ce que j’ignorais c’est qu’il faisait ça pour m’éviter un destin plus funeste, car oui les chevaux de courses comme moi, ceux qui n’ont pas voulu se plier à courir plus vite sont destinés à l’abattoir comme celui d’Equevillon. Et même si chez nous on ne parle pas d’argent, je sais qu’il a dû mettre beaucoup pour m’éviter la mort. Et il l’a fait aussi pour mon demi-frère. Celle qui m’avait fait naitre, comme je ne lui rapportais pas d’argent, avait choisi de m’envoyer à la mort et ce grand benêt, lui, préférait mettre ses premières payes pour me sauver. 

Il s’est passé quelques mois avant qu’il ne revienne, je vous laisse imaginer ce stress ! Et le voilà qui débarque avec un camion, plein de trucs tout neufs pour qu’on se fasse pas mal pendant le trajet. Et au bout de 3 h de route, nous voilà dans une nouvelle maison, toujours avec mon demi-frère. Un grand box, un champ et de nouveaux copains et copines ! Le début d’une nouvelle vie. Je ne vous cache pas que les premiers temps ont été un peu durs, car mes conditions de vie peu enviables des derniers mois m’avaient plongé dans l’anémie, et c’est le grand dadais qui devait faire mes injections, lui il n’est pas véto je vous jure, une fois il a réussi à se foutre le produit dans l’œil, je me suis bien marré, j’avoue !! 

Et les mois ont passé, j’ai repris du poil de la bête pour devenir un bon gros pépère comme on dit. Bon j’ai pas chômé pour autant, car mon humain (avec le temps je le considère comme un frère aussi) travaillait toujours dans le milieu des chevaux, et je l’ai donc suivi un peu partout au fil de ses différents postes, des randonnées au cirque équestre (attention j’ai jamais fait le clown, cette période de ma vie fut calme, car lui devait faire tourner les copines sous un chapiteau et travaillait 72 h par semaine, donc il venait juste me faire des câlins et piquer des roupillons dans mon box, pas vache je le laissais pioncer). Je dois reconnaitre qu’il ne m’a jamais trop fait travailler, on faisait des balades, j’étais libre d’aller à la vitesse que je voulais, si je voulais galoper pas de soucis ! De temps en temps on se faisait des courses avec des potes, ça, j’aimais bien ! On a tapé des sacrés fous rires sur des randonnées. Un jour, vers Baume les Messieurs, on faisait une pause et cette andouille avait oublié de se faire un sandwich, il avait juste des pims. Et franchement, son truc ça avait l’air bon alors je lui ai piqué ! Je vous laisse imaginer la tête des touristes autour ! Il voulait toujours m’économiser dans les montées et disait « je passe devant » mais il se trainait, alors je devais le pousser pour qu’il avance, ah ces humains et leurs 2 jambes ! C’était des bons moments. 

Mais il y a eu des moments difficiles encore, j’ai failli mourir « virtuellement » car la logique de l’argent pousse certains professionnels à réfléchir en frais vétérinaires sans penser à la valeur de la vie. Mais mon humain a sacrifié ses économies pour payer une facture qui m’a évité l’euthanasie, j’avais 6 ans. Quelques années après, c’est lui qui n’avait plus d’argent, et qui ne savait plus comment s’en sortir pour payer nos frais. Mais une âme charitable lui a donné de quoi s’en sortir et c’est à cette époque qu’un autre humain est entré dans ma vie. Elle ne venait pas du métier qui exploite, elle nous aime juste pour ce que nous sommes. Je peux vous dire qu’elle aime profondément les animaux, humains ou non humains. 

Avec les années, je prenais de l’âge bien sûr et je me suis chopé une hernie, et du coup mon frère m’a dit que j’étais en retraite, j’avais 12 ans. Je n’ai pas tout compris au principe, mais si je dois résumer, c’est que je me réveille quand je veux, je mange quand je veux et je fais ce que je veux avec mes potes et plus personne ne me monte dessus. Bon quelques années plus tard, ce grand cornichon a voulu remonter sur mon dos, je ne sais pas trop pourquoi car bon, mon dos, c’est plus ce que c’était mais j’y suis allé pour lui faire plaisir. J’ai bien tenté de le foutre par terre pour lui faire comprendre ma désapprobation, mais il s’accroche encore bien le vieux, et pis bon je ne voulais pas lui faire mal. 

Et après ce fut fini, il m’a dit que plus jamais il ne me ferait ça, et que d’ailleurs avec sa copine il avait décidé de ne plus faire de mal à aucun animal. Pour moi je pensais que c’était déjà fait, mais je ne savais pas qu’il mangeait des animaux. Et là j’ai compris ce que c’était l’élevage, ce qu’on faisait à mes semblables et ce à quoi j’avais échappé. 

Et cette vidéo est venue raviver des souvenirs difficiles pour mon humain, il ne s’imaginait pas qu’un tel lieu était si proche de nous et c’est pour ça qu’il me dit de vous dire qu’il faut « stopper cette barbarie, en finir avec le spécisme et se battre pour la libération animale ».

King Kong, le 19 décembre 2018